Plusieurs personnes, de GTMC Peuples Solidaires et de la mairie de Clamart sont allées en mission à Kidal. Un compte-rendu détaillé de leur voyage a été publié dans le bulletin de l’association. Je m’efforcerai d’éviter les redondances et d’apporter un éclairage différent/complémentaire sur les possibilités de coopération dans le domaine humanitaire. Les opinions que j’émets dans ce rapport sont personnelles et n’engage donc que leur auteur.
Pendant toute la durée (un mois) de mon séjour, j’ai eu la chance d’accompagner une personne engagée dans l’action humanitaire à titre associatif au Mali depuis 15 ans et qui connaît très bien le terrain. Elle s’est constamment efforcée de répondre à mes nombreuses interrogations.
Le Mali, triste privilège, appartient au club des cinq pays les plus pauvres du monde. Les conditions d’existence de la population de la région de Kidal sont à des années-lumière de ce que nous connaissons en France. Pour un occidental qui arrive pour la première fois dans cette partie du monde, c’est un véritable choc de civilisation.
L’aide humanitaire tout azimut s’effectue sans coordination entre les différents intervenants et sans véritable souci d’assurer la pérennité ou la viabilité à long terme des projets engagés. Nous verrons quelques exemples.
Pour éviter que les efforts déployés par la ville de Clamart et l’argent dépensé le soient en pure perte, il me semble que des principes et des précautions doivent être pris en considération avant tout démarrage effectif d’un projet.
Kidal est la préfecture d’une région semi-désertique, sub-saharienne, à environ 250 kilomètres de la frontière algérienne. L’Algérie est le grand voisin et la puissance économique dominante. Les hommes vont y chercher du travail, notamment à Tamanrasset et beaucoup de produits manufacturés de consommation courante (cigarettes,..) proviennent d’une contrebande généralisée et acceptée dans les faits par les autorités, même si quelques courses-poursuites dans le désert ont parfois lieu. Les pick-up 6 cylindres à essence des contrebandiers sont extrêmement performants.
Certains vont faire leurs études en Algérie et beaucoup souhaitent se faire soigner (à juste titre) à Tamanrasset de préférence à Gao, la ville malienne la plus proche, à 370 kilomètres au sud.
La majorité de la population est Tamacheq* , en partie sédentaire, en partie nomade. En parcourant la brousse, de jour comme de nuit, on peut apercevoir de nombreux campements, des troupeaux de chameaux, d’ânes, de chèvres et de moutons. Des puits ont été forés à l’instigation de différentes organisations internationales, à des distances respectives allant de 15 à 100 kilomètres environ.
La méfiance des Tamacheqs pour le pouvoir central de Bamako, la capitale, est générale et justifiée : après la décolonisation, le nouveau pouvoir en place, majoritairement d’une autre ethnie (Bambara) a délaissé la région. La population s’est soulevée en 1990. Comme toute guerre civile, la répression a été féroce et les non-militaires en ont été les premières victimes.
La guerre s’est terminée officiellement en 1992 et dans les faits en 1996. Les combattants Tamacheqs ont eu le dernier mot et beaucoup d’entre eux ont été réintégrés dans la société civile.
La décentralisation, voulue par le gouvernement malien, accentue les problèmes économiques d’une région qui n’a pratiquement aucune ressource, à part l’élevage et un peu d’artisanat, qui souffre la comparaison avec celui de son voisin, le Niger.
L’avenir de la population Tamacheq dépend presque entièrement de l’aide extérieure : ONGs, accords de coopération inter-gouvernementaux, entre villes, entre associations et autres formules.
Il est toujours très difficile d’obtenir des chiffres précis dans des domaines qui vont de soi en France. A force de poser les mêmes questions à des personnes différentes et par recoupements, on arrive à se faire une idée.
La commune de Kidal a une superficie d’environ 100 000 Kms carrés pour une population comprise entre 26 et 30 000 personnes (contre 22 000 au recensement de 1996.)
Kidal « intra-muros » comprend environ 3000 familles dont 1000 « flottantes » et 10 000 habitants (contre 4 000 au recensement de 1996) : comme on le voit, la ville connaît un développement rapide. La population sédentaire tend à égaler la population nomade.
Il y a de l’espace, beaucoup d’espace à Kidal. La ville se développe donc en surface, avec sensiblement la même architecture : des parcelles de 25 x 25 m sont attribuées selon des modalités variables, à la population. L’acte de propriété est enregistré à la mairie. Un mur en banco** ceinture le terrain et à l’intérieur, l’architecture s’ordonne à partir des 4 coins du terrain. Pas de maisons à étages, quelques vestiges de l’époque coloniale. Un oued, où se trouvent les seuls arbres dignes de ce nom et les cultures maraîchères, traverse la ville.
La ville repose sur un socle de granit - qui comporte des cavités -, recouvert d’une épaisseur variable de Banco et de sable par endroits.
Aux mois de juin/juillet/août des pluies rares mais diluviennes s’abattent sur la ville. Pluies brèves, d’une violence extrême. Elles transforment une grande partie de la ville en marécage, voire en cloaque, notamment pour les raisons suivantes :
- a) Le banco est fait d’argile et de sable. Il gonfle et devient imperméable. L’eau ne s’infiltre jusqu’aux poches du socle en granit qu’au niveau de l’oued, là où la proportion de sable est plus importante.
- b) Le terrain est plat
- c) Pour construire leur maison, les habitants ont pris les matériaux, c’est à dire le banco, là où il se trouvait, c’est à dire à côté de leur parcelle. La ville s’étendant rapidement, des trous de toutes tailles, de quelques mètres de diamètre jusqu’à de véritables « piscines », la constellent, comme du gruyère. Les habitants y jettent leurs ordures et même leurs animaux morts. L’eau stagne, les ordures flottent, les trous deviennent autant de pustules malodorantes et dangereuses pour les enfants.
Une conséquence maintenant visible concerne le paludisme. Aux doux temps de la colonisation, lorsque Kidal était un bagne, le paludisme n’existait pas. Avec les premiers forages, le début de l’urbanisation et ses trous, le paludisme est devenu épidémique. Avec l’adduction d’eau réalisée par Transahara, société marseillaise filiale de Vivendi, qui vient de terminer un deuxième château d’eau (qui ne fonctionne pas car il n’y a plus assez d’eau !), la consommation est devenue plus régulière et abondante. Le paludisme est devenu endémique.
(L’enfer est pavé (parfois) de bonnes intentions)
Lorsque venant de l’aéroport semi-privatif, petit mais moderne, construit et utilisé par les saoudiens qui viennent pratiquer la chasse au faucon, vous arrivez dans la dernière ligne droite menant au centre de Tombouctou, vous pourrez voir, à l’image des publicités lumineuses des grandes marques qui bordent le périphérique parisien, les nombreuses enseignes des ONGs (non lumineuses, pudeur oblige, l’électricité est rare et chère) qui opèrent dans cette ville. Devant chacune d’entre elles, un 4x4, Toyota Landcruiser de préférence, en passe de détrôner le chameau. Et sans savoir pourquoi, un malaise diffus vous envahit. Un tel investissement est-il bien nécessaire ? Ces grosses bêtes coûtent cher à l’achat, cher à l’entretien et cher en essence (15 à 20 litres aux 100kms). Le prix d’une roue ne doit pas être loin du Revenu National Brut par habitant. Mais peut-il en être autrement ? Il n’y a qu’une seule route goudronnée au Mali, celle qui relie Bamako à Gao. Encore faut-il prendre le bac pour franchir le Niger. Le reste doit être à l’avenant (logement, salaire) et le doute vous assaille.
Kidal n’en est pas encore là mais démarre fort : l’Allemagne, la France, la Norvège, et surtout le Grand Duché du Luxembourg et le Canada financent des projets importants. Le Luxembourg débourse plusieurs millions de francs chaque année. Depuis 4 ans, ils ont un coordinateur sur place. Actif et homme de terrain, il fait ce qu’il peut mais connaît de sérieux déboires :
- Le nettoyage des rues de Kidal, transformées en dépotoir, est devenu un projet prioritaire pour le Luxembourg : un camion-benne a été acheté et 22 employés municipaux ont été embauchés, avec fiche de salaire. Une journée « ville propre » a été organisée, avec 150 volontaires dûment équipés (pelles, râteaux, gants, brouettes, poubelles…). Le lendemain de l’opération, l’ensemble du matériel mis à disposition avait disparu. Quant au camion-benne, il est tombé en panne au bout de quelques mois, mais il a fallu payer le salaire des employés municipaux pendant 2 ans…
- Une maison des jeunes aux dimensions « pharaoniques » pour Kidal a été construite : un terrain carré d’environ 200 m de côté, doté d’un mur d’enceinte en dur (800 m de long, donc) à l’intérieur duquel des bâtiments flambant neuf, pas encore recettés mais déjà fissurés de toute part, semblent perdus au milieu d’un immense terrain vague. Quel sera le personnel chargé d’animer ces installations et qui financera ?
Le Canada finance la construction d’un nouvel hôpital, actuellement au stade des fondations, dont le coût est compris entre 8 et 10 millions de francs. Quatre médecins assurent en principe le fonctionnement de l’hôpital actuel, mais il est souvent difficile d’en trouver un seul. Les Tamacheqs n’ont pas encore de cadres et les experts, les enseignants et les fonctionnaires viennent de l’extérieur. Les conditions de vie sont rudes et personne ne veut rester.
Clamart mais aussi Florence (Italie) et Evry ont signé des accords de coopération avec Kidal. Les conseils généraux d’Ile de France, de l’Essonne et de Gironde ont construit un superbe bâtiment, vide. L’Ambassade de France au Mali, l’association Balavoine, le CE Gaz de France , les ONGs MDM, ACF, AMI, Frères du Monde, le Fond Européen de Développement (FED) et plusieurs associations sont également présents. J’en oublie certainement. Et tout ce petit monde agit dans son coin, sans concertation ni coordination.
Je garde le meilleur pour la fin. Clamart vient d’envoyer récemment du matériel médical d’une valeur non négligeable. Il est déposé en vrac, déballé, en plein air, exposé au sable et au soleil, dans la cour de la mairie. Quant aux 140 cartons de livres qui viennent également d’être expédiés par Clamart, ils sont stockés dans un réduit et il est probable qu’ils y resteront longtemps. J’ai pu admirer, entre autre, ces cartes de géographie murales, cartonnées, qui meublaient les murs de nos salles de classe quand j’étais enfant, et qui font aujourd’hui les délices des antiquaires.
L’aide humanitaire ressemble parfois à une opération vide-grenier.
J’ai reçu du 2ième adjoint au nouveau maire, monsieur Cheickna Ould Chegali, en charge des affaires scolaires, le meilleur accueil et la meilleure coopération possible.
Nous avons visité les 4 écoles primaires de Kidal et passé en revue les effectifs, niveau par niveau, filles et garçons (voir annexe 1.)
La synthèse des 4 écoles figure dans le tableau ci-dessous :
Cours 1ère 2ième 3ième 4ème 5ème 6ème Total
Garçons 275 209 176 141 124 80 1005
Filles 225 171 114 113 79 73 775
Total 500 380 290 254 203 153 1780
L’on constate :
- Une diminution régulière des effectifs, année après année.
- Une proportion importante de filles, compte tenu des idées reçues, jusqu’en dernière année.
- Un nombre important d’élèves par rapport à la population estimée de Kidal.
Les conditions d’enseignement sont lamentables : les enfants sont, en moyenne, 70 par classe, à 4 par banc. Tous n’ont pas de livres, d’ardoise ou de cartable. Dans une classe qu’il m’a été donné de visiter, face aux 70 enfants, une institutrice portant son dernier-né dans le dos. On imagine facilement le niveau scolaire atteint par la majorité des élèves en 6ème année !
Il n’existe pas d’école maternelle mais des jardins d’enfants, à partir de 2-3 ans, sont en cours de création. Une bonne nouvelle et la bibliothèque scolaire devrait en tenir compte.
Le local sélectionné par la précédente délégation clamartoise est très bien placé, au centre de la ville et dans l’école la plus importante (Baye Ag Mahaha - BAM ) mais nécessite des travaux de remise en état et est un peu exigu. J’ai demandé un devis de remise en état : peinture, électricité, eau, une porte et deux fenêtres et la construction d’un auvent sous lequel les enfants pourraient consulter sur place les ouvrages disponibles (voir devis en annexe 2.) Les travaux se monteraient à 10 000 F. La contribution de la commune consisterait à 1) brancher l’électricité (très cher à Kidal) 2) installer un téléphone fixe, notamment pour Internet 3) planter un petit parterre de fleurs autour du bâtiment et, bien sûr, la mise à disposition du bâtiment lui-même.
Je tiens à formuler une opinion ferme et mûrement réfléchie : il est inutile d’envisager la création de cette bibliothèque scolaire s’il n’est pas prévu d’embaucher et de salarier à plein temps une bibliothécaire pour la gérer et l’animer. Cette personne devrait être une femme, parler Tamacheq, recevoir une formation adéquate et habiter Kidal. Le coût mensuel, INPS compris, serait de l’ordre de 600 F (moins de 100 Euros). J’ai vu dans un petit village de la région, siège de la rébellion de 1990, une petite bibliothèque payée par un généreux donateur de Lagrasse, où j’habite actuellement : une centaine d’ouvrages de qualité croupissent, couverts de sable et de poussière, dans un local minuscule, sans électricité et sans fenêtre.
La retraite n’existe pas au Mali et une personne ne pourrait s’occuper bénévolement de cette bibliothèque : comment vivrait-elle, sachant que la mairie a très peu de ressources (il n’y a pas de taxe d’habitation ni foncière et les taxes professionnelles sont ridicules.) Le budget annuel global de la commune serait de l’ordre de 1,6 million de francs, l’aide extérieure (la contribution du Luxembourg étant la plus importante) de 3,5 millions de F.
Ce projet ne peut, de toute façon, qu’être une première étape. Il existe dans l’ensemble de la commune de Kidal 11 écoles de brousse, qui ont les mêmes besoins en fournitures scolaires et en livres que la ville. De plus, il me semble que l’aide y serait plus efficace car les enfants sont moins nombreux et bien entourés par les adultes (ville vs village).
Tout d’abord il est illusoire de penser qu’un Tamacheq, qui ne possède rien et qui se voit allouer une petite somme d’argent, songera à vous la rembourser. Cette somme sera considérée comme un don.
En ce qui concerne les micro-crédits destinés à faciliter un élevage d’embouche, je n’ai pas trouvé beaucoup de gens pour défendre cette idée. Le problème est le manque de pâturage. Alors que la saison des pluies est encore loin, les animaux commencent à manquer de nourriture. Les gens leur donne actuellement du carton ou doivent acheter de l’aliment bétail au prix de 1 F / Kg/ Jour pour une chèvre.
Par contre une idée qui me semble intéressante m’a été soumise par plusieurs personnes : l’élevage de poules pondeuses et de poulets. Il existe une race bien adaptée aux conditions particulière de cette zone semi-désertique.
Un projet pilote pourrait démarrer sous la responsabilité d’une association à créer. Cette association fournirait :
- Une parcelle de 25x25 m 2 500 F
- Les poules et poulets (100x20 F) 2 000 F
- Le branchement eau 1 000 F
- Le gardiennage
- La nourriture (1 kg/mois/poule) 100 F/mois
- Les soins (1 visite/mois d’un vétérinaire) 50 F/mois
- L’électricité 1 500 F
- Un frigidaire 2 000 F
Le partenaire extérieur apporterait le financement pour la construction du poulailler, avec une partie « hangar » avec niches pour les pondeuses, une partie cour avec points d’eau, un puit perdu pour les eaux usées, un grillage au-dessus de la cour contre les prédateurs, une chambre pour le gardien (5x5 m) et un mur d’enceinte en Banco + ciment (semi-dur). Le devis approximatif s’élèverait à 40 000 F.
Les poulets sont vendus avant 6 mois. Ce projet aurait un effet d’entraînement vis-à-vis de la population locale.
C’était assurément le plat de résistance de cette mission à Kidal.
Ce vaste projet comporte trois volets :
- La collecte et l’élimination des ordures ménagères.
- L’assainissement individuel ou semi-collectif des eaux usées et des latrines.
- Le drainage des eaux de pluies dans certains quartiers de la ville.
L’aide envisagée par GTMC s’inscrit dans le premier volet, le projet de coopération de la Municipalité de Clamart dans le second.
GTMC envisage de fournir aux associations de femmes opérant dans les 4 quartiers de la ville du petit matériel : pelles, balais, râteaux, brouettes, gants, bottes. J’ai demandé un premier devis à un GIE (à la mode à Kidal, comme les associations), pour avoir une idée des quantités nécessaires et des prix. Ce devis, écrit à la main, maladroit et imprécis montre néanmoins la volonté d’aller de l’avant avec les moyens du bord (voir annexe 3). Je me suis souvenu de l’expérience avortée du Luxembourg de nettoyage des rues de Kidal je suis retourné voir son coordinateur local.
Daniel Thomas envisage de renouveler l’expérience en 2005 mais sur d’autres bases :
- Il ne veut plus traiter avec la mairie mais avec un GIE, qu’il rétribuera mois par mois, sur la base du travail accompli.
- Le camion-benne sera entretenu par un garagiste aux compétences reconnues.
- Des réunions périodiques avec le personnel salarié seront programmées.
Daniel Thomas m’a aimablement remis une copie d’une partie du dossier (voir annexe 4). La partie intéressante concerne le budget prévisionnel, qui se monte à 200.000 F par an. Il inclut le petit matériel pour les associations de quartier et rend donc le projet GTMC correspondant caduc.
Je fais parti de ceux qui pensent que tout projet humanitaire, pour qu’il ait un sens, doit être pérenne : si l’aide extérieure cesse, le projet doit pouvoir continuer par ses propres moyens. Daniel Thomas envisage une taxe d’enlèvement des ordures ménagères de 10 F/mois/parcelle. Comme il y a environ 2000 familles recensées stables, l’équilibre financier pourrait être atteint au bout de 2 ans, le temps que les habitants se rendent compte des bienfaits du projet et acceptent cette taxe.
Daniel Thomas ne fait pas confiance à la mairie pour lever cette taxe et envisage de demander au GIE de le faire.
C’est l’objet de l’accord de coopération signé entre la ville de Clamart et la communauté urbaine de Kidal.
J’ai discuté longuement avec l’adjoint chargé de l’assainissement. Nous sommes tombés d’accord : c’est un bon projet, très utile sur le long terme pour la population, mais il existe une urgence, l’élimination des ordures ménagères, qui sont en train de transformer Kidal en ville-poubelle, à l’image de Bamako, Tombouctou ou Gao. Mais maintenant que le Grand Duché du Luxembourg souhaite prendre de nouveau en main cette tâche, ce projet prend tout son sens.
Par l’intermédiaire de mon amie, qui s’est fait construire une maison à Kidal, et de son fils adoptif, également installé dans cette ville, j’ai pu obtenir des informations précises sur les coûts et les données techniques de ce projet :
- Latrines : toilettes sèches (très important), cuve en ciment avec sécalite pour assurer l’étancheité. Le taux d’humidité est voisin de zéro dans la région (bon pour les rhumatismes, mauvais pour la peau, les bronches et les muqueuses, surtout par vent de sable) et le ciment tend à se fendiller en séchant. Il existe plusieurs entreprises sur Kidal capables de réaliser le travail. Coût moyen estimé : 2 500 F/cuve
- Puits perdu : peut se faire avec un baril de 200 litres (objet omniprésent à Kidal, unité de mesure lorsque l’on se fait livrer de l’eau à domicile : 5 F le baril). Du gravier et du sable assurent le filtrage des eaux usées. Coût moyen estimé : 1 000 F. Il ne faut pas surestimer l’importance actuelle de ce problème. Le Tamacheq est très économe, voire ascétique, l’eau est une denrée rare, sacrée, dont dépend toute vie. Sa consommation journalière est ridicule, par comparaison avec les pays occidentaux : moins de 100 litres par jour et par famille. Avec la sécheresse ambiante et un soleil incandescent, l’eau s’évapore vite. Mais à la longue et la consommation augmentant…
Allez Clamart, à vous de jouer !
Kidal est construite sur du plat. Les énormes trous creusés pour récupérer le banco et la topologie même du terrain, avec de légères dépressions, rendent le problème de l’évacuation des eaux de pluie cauchemardesque dans plusieurs quartiers de la ville. Le FED (Fond Européen de Développement) a financé un premier projet, avec canalisation à l’air libre (600 m de longueur) qui semble donner satisfaction. C’est, à mon avis, un projet plus prioritaire que les toilettes sèches et l’évacuation des eaux usées.
Lors de mes entrevues avec le maire, ce dernier a tenu à me remettre deux demandes formelles d’aide humanitaire que je transmets à GTMC et à la municipalité de Clamart (voir annexes 5 et 6) :
- Aide à la réalisation d’un centre de rééducation fonctionnelle qui compte actuellement 20 enfants déficients mentaux.
- Suivi médical des écoles nomades de la commune urbaine de Kidal. Ce projet passerait par la Croix Rouge malienne.
A mon avis, la société Tamacheq n’ayant pas encore de cadres, priorité devrait être donnée à la formation de personnes capables de dialoguer d’égal à égal avec l’administration centrale et de remplacer à terme les experts venus du Sud ou de l’étranger. Plusieurs formations professionnelles seraient les bienvenues : mécanique, électricité et même pépiniériste.
Par ailleurs, l’eau tombée en juin/juillet/août reste présente jusqu’en décembre. Il me semble donc intéressant, comme à Pintadas, de favoriser les cultures maraîchères à cycle court.
Voilà. J’ai fait de mon mieux dans un pays que je ne connaissais pas, avec une idiosyncrasie qui m’est totalement étrangère. Mais entre gens de bonne volonté…
Une dernière chose que je tenais à dire mais que je ne sais où placer : tout projet humanitaire devrait prévoir avec la même rigueur et la même précision les coûts liés aux investissements ET ceux, récurrents, liés au fonctionnement. Ce n’est malheusement pas souvent le cas.
Frais de fonctionnement et pérennité d’un projet, voilà deux notions qui m’apparaissent fondamentales.
Le maire : Monsieur Attayoub Ag Intalla, fils du chef Intalla (qui a autorité sur tous les campements de la région. La société Tamacheq est hiérarchisée).
1er adjoint au maire : Monsieur Sidi Mohamed Ag Mohamed Lamine.
Adjoint en charge de l’assainissement : Monsieur Ag Waerzagane Assikadaye. Tel : (223) 285 00 66 / 285 01 67 / Cel : 608 22 97
Adjoint au maire en charge des affaires scolaires : Monsieur Cheickna Ould Chegali. Tel : (223) 610 99 60 e-mail : attayoub@voilà.fr
Daniel Thomas coordinateur DDRK (Luxembourg), dont j’ai malencontreusement égaré la carte de visite
Jean-Marie Huon hydrologue, opère dans la région depuis 20 ans. Il connaît le sous-sol de Kidal par cœur. Sous-traité à mi-temps par Daniel Thomas. Hors du Mali pendant mon séjour.
Fredy Wirz société suisse Wirz Solar Gmbh, qui installe dans les écoles de brousse un système de pompe à eau directement alimentée par des panneaux solaires. Tel : (41) 61 971 34 57
« El Bechir » Français marié à une Tamacheq, converti à la religion mulsulmane. Sa société mène en brousse des travaux de génie civil : réhabilitation de puits, petits barrages en pierre dans le lit des oueds, de un à quatre mètres de hauteur, avec deux objectifs possibles : a) freiner l’écoulement des eaux de pluie, pour lui permettre de mieux s’infiltrer dans le sol b) en terrain plat, dévier le cours de l’oued vers une dépression naturelle. Il construit également des écoles de brousse en dur. Possède une maison à Kidal.
* Tamacheq : orthographe phonétique. Nom générique pour désigner les populations nomades de cette partie de l’Afrique, à cheval sur plusieurs pays. Ils sont plus connus en France sous le nom algérien de Touareg, qui a une connotation péjorative.
** banco : mélange d’argile et de sable en proportion variable, de couleur ocre/terre de Sienne.