Intercommunalité : atouts et dangers

L’intercommunalité : on en cause en coulisses. Ouvrons au plus vite le débat public : les choix à venir intéressent directement la vie des citoyens.

Clamart est une des dernières communes du Sud des Hauts-de-Seine (avec Bagneux, Malakoff, Fontenay), à ne pas faire partie d’une communauté d’agglomération (CA). Faut-il refuser toute intégration, créer une CA avec une ou plusieurs des communes encore isolées ou rejoindre une des CA déjà formées : Arc-de-Seine (Issy, Meudon, Vanves, Ville-d’Avray, Chaville), Hauts-de-Bièvre (Antony, Plessis-Robinson, Sceaux, Wissous, Chatenay), voire la dernière née (Chatillon, Montrouge) ?

La communauté d’agglomération : un outil de coopération intercommunale

La communauté d’agglomération (CA) est un organisme de coopération qui regroupe plusieurs communes formant un territoire d’un seul tenant, en vue de réaliser des projets dépassant l’intérêt d’une seule commune en mobilisant les moyens de toutes les communes membres.

Les avantages de la CA

1)  Un pouvoir d’investissement plus cohérent

La CA a vocation à réaliser les gros investissements (zones d’activités, ZAC, programme du logement social) et à gérer les grands équipements publics. Actuellement chaque commune crée sa zone d’activité industrielle et artisanale, ses ensembles de bureaux, ses centres commerciaux en concurrence avec ceux des communes voisines  pour se disputer la taxe professionnelle : les entreprises jouent sur cette compétition pour délocaliser et bénéficier d’exonérations temporaires. De même, chaque ville organise la programmation de son centre culturel sans se soucier de celle des centres environnants ; chacune s’épuise à créer et entretenir des équipements sportifs ou des conservatoires en multipliant les réductions de tarifs pour les habitants de la commune et les tarifs discriminatoires pour les riverains des autres communes.

La CA met fin à la guerre de la taxe professionnelle, peut susciter les synergies et développer l’accès aux équipements publics en mutualisant les efforts.

2)  Un pouvoir financier renforcé

La CA dispose de la taxe professionnelle de toutes les communes membres, l’impôt local le plus productif. Elle en fixe le taux avec plus de liberté que les communes. Elle perçoit la taxe sur les ordures ménagères et de la taxe d’assainissement si elle est chargée de ces secteurs. Elle peut aussi décider de percevoir la taxe d’habitation et les taxes foncières. Cette mise en commun des ressources fiscales permet de gommer les disparités entre communes.

Enfin la CA reçoit à titre préférentiel des aides du département, de la région et de l’Etat. La CA, par sa puissance, peut mieux négocier face aux banquiers et autres financeurs.

Les communes membres voient par contrecoup leur budget municipal se dégonfler : pour couvrir les dépenses restant à leur charge, elles bénéficient d’un reversement forfaitaire de la CA et un bonus de l’Etat (150 € par habitant, soit 7, 5 M € par an pour Clamart si la commune intègre une CA avant le 1er janvier 2005).

 Les premières estimations montrent que dans les communes membres d’une CA les investissements progressent plus vite et que la charge de la dette par habitant diminue. 

Les dangers de la CA

1)  Une déficience de démocratie

La gauche plurielle qui a conçu les CA n’a pas osé affronter le Sénat pour imposer l’élection directe des élus dans ces CA. Le conseil de CA est donc formé de délégués des communes, ce qui peut aboutir à l’absence de représentation des oppositions (exemple : Plessis-Robinson). D’où risque d’opacité, perte de richesse du débat démocratique, renforcement des potentats et des notables. On connaît déjà la même insuffisance de démocratie dans les syndicats mixtes et les autres structures intercommunales.

Peser sur les décisions d’une CA dépend du nombre et  de la répartition des sièges au sein du conseil de CA. Ils sont fixés par les statuts ; ils résultent d’une négociation (souvent occulte) entre représentants des communes. Les conseils municipaux ne font qu’entériner les arbitrages entre maires. Les règles minimales (chaque commune a au moins une voix ; aucune commune ne peut avoir seule la majorité) ne fournissent aucune garantie.

2)  Un risque de bureaucratisation

Comme tout empilement de structures, la création d’une CA risque de provoquer un surcroît de bureaucratie : éloignement des centres de décision, dépersonnalisation des rapports entre usagers et administrations… En revanche, cela peut mettre un frein aux suppressions d’emplois publics.

L’intégration dans une CA ne devrait pas en principe être un obstacle à l’action des conseils de quartiers mais l’exercice d’un pouvoir centralisateur est une tentation de tout exécutif d’une CA.

Les atouts et faiblesses de Clamart face au problème des CA

1)  Procédure d’entrée dans une CA

Si Clamart voulait entrer dans une CA, la procédure serait différente en cas de rattachement à une CA existante et en cas de création de CA.

L’adhésion à une CA déjà créée suppose un double accord, celui du conseil municipal de Clamart et celui du conseil de la CA d’accueil. Le préfet ne peut rien imposer.

En cas de création d’une CA, le préfet a un rôle plus actif : il arrête la liste des communes qu’il estime devoir composer la nouvelle CA. La décision finale appartient aux conseils municipaux. Il suffit  de l’accord des 2/3 des communes représentant plus de 50 % de la population incluse dans le périmètre ou de 50 % des communes regroupant les 2/3 de la population. Dans cette hypothèse, une petite commune peut être intégrée contre son gré par le jeu des majorités qualifiées.

Une loi en cours de discussion organise une procédure de fusion de CA selon des règles  similaires à celles d’une création, ce qui peut changer la donne pour Clamart.

Enfin, il faut souligner qu’il est très difficile pour une commune de sortir d’une CA.

2) Les atouts de Clamart

Dans une éventuelle négociation avec d’autres communes, Clamart peut faire valoir le poids de sa population, sa richesse fiscale, son parc de logements sociaux et son emplacement géographique au centre des flux des déplacements locaux de l’ensemble des communes proches.

3) Les faiblesses de Clamart

Les CA déjà créées autour de Clamart apparaissent comme les fiefs de grands prédateurs féodaux (Devedjian, Santini, Fourcade), sans aucun souci de cohérence territoriale conforme aux objectifs de la loi Chevènement. Dans ce champ de manœuvres politiciennes internes à la droite, Clamart, isolée, risque d’être constamment en minorité. Créer une CA avec les autres communes de gauche peut constituer un ghetto sans cohérence territoriale ni synergies de projets ; la CA risque d’être en outre agitée par les rivalités internes du PS et la concurrence PS-PC. 

Inversement, rester en dehors de toute CA présente un double inconvénient : perdre les avantages attachés à l’intégration dans une CA et se voir imposer ultérieurement des choix encore moins favorables à nos orientations.

En tout état de cause, si Clamart devait intégrer une CA, l’important serait d’imposer un fonctionnement démocratique tant au moment de l’adhésion qu’après l’entrée : respect des prérogatives des conseils de quartiers, représentation des oppositions, concertations préalables aux décisions, association des conseils municipaux à l’élaboration des projets communautaires.

François