CONFERENCE / DEBAT
Violence, insécurité, pourquoi?
La répression est-elle la seule réponse à apporter?
Alternative Clamartienne a organisé autour de ces questions, le 31 janvier, une conférence/débat qui réunissait, autour de nombreux participants, trois intervenants.
Maître Henri Leclerc, avocat et ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme, retraçant l'historique du discours sécuritaire et le contexte dans lequel sont votées les lois Sarkozy-Perben, a dénoncé le danger qu'elles représentent pour la démocratie. Ces lois, annoncées pendant la campagne électorale, ne doivent pas étonner les électeurs du deuxième tour des législatives. Premières d'une série d'autres à venir, elles sont le résultat et la traduction du discours ambiant sur les problèmes de violence et de sécurité. Le débat autour de ces thèmes n'est pas nouveau, et on en retrouve les traces au fil du temps : à la fin du XIXème siècle, puis en 1978 avec la commission sur la violence créée par Roger Peyrefitte, où figurent déjà tous les éléments du discours actuel,de nouveau en 1981, dans le projet de loi "sécurité et libertés"…
Mais, face à l'augmentation de la délinquance violente, le problème est de savoir quelle méthode utiliser: privilégier la répression ou la prévention?
La théorie de la tolérance zéro, qui a fait des "merveilles" aux Etats Unis (plus de deux millions de personnes en prison), vantée pour la première fois en France par Bruno Gollnisch, puis Brunot Mégret, a été reprise par Jacques Chirac dans son discours du 14 juillet 2001. Par ailleurs, on a vu peu à peu régresser le mouvement qui, impulsé par la gauche en 1981, privilégiait l'action éducative. Le discours national est devenu unanime sur ce sujet: il n'y a plus aujourd'hui de d’alternative au discours de la droite et les seules réponses aux problèmes de délinquance et de sécurité sont données par les lois Perben et Sarkozy.
La loi Perben, revenant sur les grands principes de l'ordonnance de 1945, s'attaque aux mineurs et instaure une panoplie qui leur est spécialement destinée: sanctions éducatives, centres fermés, jugements avec comparution immédiate: il y en a pour tout le monde, même pour les moins de treize ans!
Quant à la loi Sarkozy, elle stigmatise certains types de population en les désignant comme des catégories dangereuses: jeunes, mendiants, gens du voyage, prostituées…Elle établit de nouveaux délits (ou aggrave les délits existants), tels que la mendicité agressive, la réunion dans les halls d'immeubles (deux mois de prison), le racolage actif et passif, l'outrage au drapeau et à la Marseillaise, l'occupation illicite de terrains… et donne à la police des pouvoirs accrus (fouille des voitures, contrôles d'identité systématiques, suppression du droit au silence, extension des fichiers…)
Face à cette collection de mesures répressives, complétée par la nomination d'un secrétaire d'Etat à l'immobilier pénitentiaire, n'apparaît aucune sorte de réflexion sur les causes de la délinquance et de la violence, ni sur les mesures de prévention à mettre en œuvre. Si la seule réponse au problème de la violence et de l’insécurité est la répression, cette action est vouée à l'échec, et les citoyens doivent réfléchir et réagir, faute de quoi, nous irons de plus en plus vers la restriction des libertés.
Julia WAHL, présidente de SOS-Racisme 92, a exposé les problèmes liés à la violence dans les quartiers "ghettos", dénonçant la pauvreté et le chômage comme leur cause principale.
A ces quartiers, dont la République semble souvent se désintéresser, et où règne trop souvent la loi du plus fort, rien n'est proposé.
Les femmes, qui sont souvent les premières victimes de ces violences, commencent à réagir, comme en témoigne l’organisation de « la marche des femmes ».
Maryse HEDIBEL, sociologue, chercheuse, et enseignante à l'IUFM Nord Pas de Calais a abordé le problème de la violence, de l'exclusion et de la répression en milieu scolaire.
La violence, quoique fortement médiatisée, est beaucoup moins importante à l'école que dans le reste de la société. Il s'agit, bien souvent, plutôt que de violence, de problèmes de comportement liés à l’incapacité de certains élèves de s’intéresser à ce que l’institution scolaire leur propose.
Aujourd’hui, on conduit, à l'ancienneté, dans les classes d'enseignement secondaire, nombre d'élèves illettrés, et, afin d'emmener au plus vite ceux qui ont le plus de difficultés et de carences vers la sortie (fin de 3ème), on supprime les redoublements, créant ainsi une « non solution ». Ces élèves, stigmatisés comme perturbateurs, sont mis dans une impasse : leurs mauvais résultats sont qualifiés d'absence de travail, les reproches et les sanctions les confrontent de plus en plus à leur incapacité; plus ils sont considérés comme perturbateurs, plus les autres symptômes (absentéisme, mauvais résultats) s'accentuent, les menant vers l'exclusion, temporaire, puis définitive, et parfois, vers la petite délinquance. On aboutit bien souvent à des situations de déscolarisation. La sélection aux concours d'enseignement ne se faisant pas sur la pédagogie, les enseignants ne sont pas préparés à affronter ces situations. Ils utilisent la sanction là où il serait nécessaire de mettre en œuvre des procédures de remédiation pédagogique.
Pour résoudre le problème il faut le prendre dans sa globalité. Dans cette optique, les classes relais ne doivent pas être considérées comme une sanction: elles sont au contraire le lieu de croisement de cultures professionnelles où enseignants, assistants sociaux scolaires, peuvent travailler ensemble et construire un projet permettant une socialisation. C'est en changeant le regard que l'on porte sur les jeunes en grande difficulté scolaire, en leur apparaissant comme des interlocuteurs bienveillants, que l'on peut les aider à sortir de leur solitude.
L'efficacité du « regard bienveillant » et les transformations spectaculaires auxquelles il peut aboutir, c'est aussi ce dont témoignait l'admirable court-métrage de Sylvie Gilman "Tu finiras sur l'échafaud" projeté au début de ce débat.